Alioune Sarr, comment se porte la lutte au Sénégal ?
Je pense qu’elle se porte comme toutes les disciplines sportives au Sénégal avant le Covid-19: relativement bien. Nous pensons que par rapport aux objectifs fixés par l’autorité, ça va dans son ensemble. Même si, tout le monde ne le reconnaît pas et c’est normal parce qu’une œuvre humaine est perfectible.
Pour certains, le CNG est devenu une structure pérenne. Qu’en pensez-vous ?
La lutte (sénégalaise) est passée par toutes ses émotions à savoir toutes les formes de structures: fédération, comitéd’exception, les comités tout simplement; et depuis 1994, c’est le Comité national de gestion au Sénégal. Certains l’appellent comité d’exception, mais sommes-nous prêts (pour passer à une fédé)? Quand on parle de fédération, on parle de structures de base. Avec le CNG, je l’ai personnellement toujours défendu. C’est à travers les structures de base dans toutes les régions ou dans la majorité des régions du pays qu’il faudrait insister pour arriver à une fédération. Il faut qu’on se regarde dans les yeux et qu’on se dise certaines vérités. Il ne suffit pas que trois pelés et un tondu se retrouvent pour dire: “J’ai une structure“! Et c’est ce qui est en train de faire boitiller la lutte. Beaucoup de nos structures ne le sont que de nom.
26 ans à la tête du CNG, qu’est-ce qui explique votre longévité ?
La Lutte est une discipline agitée. Quelle que soit la station à laquelle on se trouve, la vie est dynamique. Tout moment appelle des corrections, des nouveautés et une nouvelle façon de voir. Cela pose souvent problème dans sa globalité. Comme disait un chanteur congolais: “La vie est un éternel combat”. Un combat, il faut avoir le courage de l’accepter, de le mener, selon sa propre stratégie ou celle du groupe.
Ça n’use pas à la fin, cette longue période à la présidence ?
Je dirais oui et non. Elle use parce que tout simplement nous avons affaire à des groupes qui n’ont d’objectifs que de résoudre leur problème personnel. Il faut tout le temps rappeler à tous que la mission est globale et que c’est l’intérêt du sport sénégalais, en particulier de la lutte, qui est en jeu, et non pas les querelles. Ça peut user et ça peut ne pas user, si on a l’intime conviction que ce que nous faisons avec conscience, nous le faisons sans avoir peur de faire mal. Quand vous devez tracer une voie, forcément vous aurez à déplacer, recentrer et recadrer. Tout cela ne peut pas plaire à tout le monde. Il faut avoir le courage de sa vision et de son opinion, surtout avoir en tout instant en tête que cette mission nous vient du sommet de l’Etat. Nous sommes Sénégalais et patriote, et tant que nous pensons la mener, nous la mènerons sans état d’âme.
Et la limite d’âge ?
J’ai un journal sportif qui a retracé la carrière du champion Mbaye Guèye (ancien Tigre de Fass) qui, à 40 ans, disait qu’il n’avait plus envie (de lutter). Après sa défaite de 1987 (à 41 ans, contre Mouhamed Ali), il s’est retiré. Je pense que ça fait réfléchir ceux qui pensent qu’on ne doit pas limiter l’âge d’un sportif. Dans toutes les disciplines sportives, qu’on limite ou pas l’âge, à partir 30 voire 40 ans ou plus, vous n’attirez plus. En plus, le sport individuel réclame tellement d’efforts pour le corps et vouloir continuer face à des jeunes mieux entraînés et plus aptes physiquement, cela peut causer des problèmes. Avant, quand les lutteurs étaient pêcheurs ou cultivateurs, on pouvait aller très loin, mais aujourd’hui qu’ils font d’autres sports de combat pour être au top, le médecin sportif que je suis, avant d’être président, pense que 45 ans, c’est même trop.
On reproche au CNG de n’avoir pas pu dialoguer avec les arbitres radiés à vie et souvent avec les autres acteurs de la lutte. Qu’en est-il exactement?
Ceux qui soulèvent le problème des arbitres sont loin de connaître la réalité. Toutes les semaines quand l’activité était normale, le Bureau du CNG se réunissait tous les lundis et le président de la Commission centrale des arbitres y participait. Tous les problèmes sont débattus. Le dialogue n’a jamais été rompu. Ils ont posé des actes et nous avons répondu par rapport à la réalité du terrain. Je suis allé jusqu’à leur dire: “Si vous pensez trouver les moyens de la solution, indiquez-moi la direction et je me battrai”. Il ne faut pas que les gens pensent que parce que quelques lutteurs gagnent des centaines de millions, l’arbitre doit aussi gagner des millions. Jusqu’à preuve du contraire, ceux qui sont dans la lutte, en dehors des pratiquants, sont des bénévoles et même si on leur donne quelques honoraires, ce n’est pas proportionnel à leur travail. Donc, il ne faut pas biaiser l’esprit de notre présence pour développer la lutte. Hélas, c’était le problème avec le corps arbitral. Nous avons dialogué plus d’une décennie. A l’époque des vaches grasses, alors que les promoteurs avaient plus de moyens, je leur avais permis de négocier directement avec les promoteurs qui voulaient les utiliser comme expressions de sponsorisation. Ce n’est pas normal qu’un arbitre puisse porter une sponsorisation, mais je l’avais accepté pour les aider. Il leur arrivait de recevoir 500 000 ou 1 million à se partager entre 3 ou 5 personnes. Mais aujourd’hui, c’est la période des vaches maigres, que chacun se contente de sa part en attendant de réfléchir ensemble!