Qu'est-ce qui justifie la rivalité entre le Jaraaf et l'AS Pikine? Beaucoup se sont déjà posé cette question, Surtout que les deux clubs ne partagent pas la même zone géographique, n'ont pas la même histoire encore moins un palmarès similaire. RECORD a fait une enquête pour essayer de percer cette nébuleuse.
C'est aujourd'hui un match estampillé «à risques». Lorsqu'on se rend au stade pour suivre le choc entre Jaraaf et Pikine, la tension est palpable dès l'entrée du stade. En effet, le dispositif impressionnant des forces de l'ordre renseigne sur le souci de juguler tout débordement. Et, depuis 2019, les matchs accueillis par Jaraaf sont rarement allés à leur terme. Souvent émaillées d'incidents, ils finissent en queue de poisson. Le 11 décembre dernier, le Jaraaf accueillait l'AS Pikine, au stade Iba Mar Diop, dans le cadre de la 9eme journée de Ligue 1. Ce match n'est pas allé jusqu'à la fin. Il a été interrompu à la 66ème minute par l'arbitre central, alors que le Jaraaf menait par 1-0. L'interruption est due à des échauffourées entre les supporters de Pikine et les forces de l'ordre. Quelques semaines après ces incidents, la Ligue sénégalaise de football professionnel (LSFP) donnera les 3 points au Jaraaf et infligera une amende de 150.000 FCFA au club de la banlieue. Un an avant, lors de la 4ème journée de la Ligue 1 de la saison précédente, les mêmes scènes de violence s'étaient produites dans le même stade, entre les deux équipes. Suite à un penalty accordé à PAS Pikine, les supporters du Jaraaf avaient envahi le stade. Pikine a été, par la suite, déclaré vainqueur, et une amende de 1.00.000 FCFA infligée au Jaraaf.
L'histoire des deux clubs
L'ASC les Jaraaf a été fondée le 20 septembre 1969 d'une fusion entre le Foyer France Sénégal et Espoirs de Dakar. Et il va décrocher son premier titre dès l'année suivante, en 1970, face aux Almadies. Dans son histoire, le Jaraaf a remporté 27 titres : 12 en championnat, 15 Coupes du Sénégal. Depuis sa création, le club présidé par Cheikh Seck n'a jamais gagné la Coupe de la Ligue, le seul titre qui manque à son palmarès, le plus riche du football national, Club le plus prestigieux du Sénégal, le Jaraaf a de qui tenir. En effet, ses ancêtres, singulièrement le Foyer France Sénégal, ont également écrit les belles pages du football national. En effet, FFS a remporté son premier trophée, la Coupe du Sénégal en 1967 devant l'US Gorée. En 1968, il va remporter-encore ce trophée, toujours devant le même adversaire. Pour l'AS Pikine, cette appellation ne date pas de bien longtemps. En effet, le club de la banlieue s'appelait Les Niayes, un club fondé en 1969 par la Réforme Lamine Diack avec la fusion de plusieurs clubs de la zone. Évoluant en Division régionale, Niayes peinait à sortir de l'ornière et devenait de moins en moins populaire au fil des saisons. C'est ainsi que l'idée de créer l'AS Pikine a été émise. Cela pour avoir un club qui va rassembler tous les Pikinois autour d'un nom auquel ils pourront s'identifier. Ainsi, en 2006, Niayes devient officiellement AS Pikine. Le club, qui évoluait à cette période en Ligue 2, ne fera que trois ans à ce niveau pour accéder en Ligue 1 en 2009, première année du championnat professionnel au Sénégal. Dans sa vitrine, Pikine n'expose que deux trophées majeurs : une Coupe du Sénégal remportée en 2014 et une Coupe de la Ligue décrochée en 2011. Pikine court toujours après sa première Coupe du Sénégal.
Une affaire entre citadins et banlieusards
Comme indiqué plus haut, la rivalité entre le Jaraaf et l'AS Pikine n'est ni historique ni géographique. Pour Demba Varore, journaliste à Sport News Africa, il sera très difficile de donner l'origine exacte de cette rivalité. Mais notre confrère estime que certaines circonstances ne sont pas étrangères à ce différend entre les deux clubs. Et il relève deux facteurs : la notoriété de Jaraaf et la jeunesse des supporters du club. «Je ne saurais dire exactement l'origine de la rivalité entre les deux équipes. Tout toutefois noter que le Jaraaf a un statut particulier dans le football sénégalais. C'est un peu l'équipe à abattre. Tout simplement parce que c'est le club le plus titré du Sénégal. Tous les clubs qui ont eu à jouer les grands rôles dons ce championnat ont vécu une course au titre contre le jaraaf. C'est le cas de l'AS Pikine qui, lorsqu'il a été champion du Sénégal (en 2014 ndr) a ravi la vedette au Jaraaf, sur le fil. Pikine avec feu Alassane Dia, qui s'était fait virer par le Jaraaf, a dû faire une série de cinq succès de suite sur les cinq derniers matchs du championnat pour devancer le Jaraaf qui avait enchaîné deux nuls. Mais à l'époque, c'était juste une rivalité de circonstances, sans violence. La violence, il me semble, remonte à un match au stade Léopold Sédor Senghor en 2019 ou 2020 (en 2019 précisément, ndir). Le fait que le Jaraaf ait retrouvé une base affective jeune, en recevant ses matchs dans son fief, à la Médina, a certainement exacerbé les invectives dans les réseaux sociaux et sur les gradins lors des matchs», a soutenu Varore.
La popularité des deux clubs
Si Demba Varore estime que cette rivalité est due à la notoriété de Jaraaf et sa nouvelle vague de jeunes supporters, Famara Soly, le secrétaire de l'AS Pikine, lui, soutient que cette rivalité est purement sportive. «Le Jaraaf et Pikine sont deux clubs populaires qui veulent dominer le championnat. La rivalité se justifie simplement parce que les deux équipes sont de grands clubs. Le Jaraaf est un club de la Médina, le centre-ville, Pikine représente la banlieue. La rivalité est purement sportive et non autre chose», dit-il. Daouda Gueye, président du comité des supporters du Jaraaf, abonde pratiquement dans le même sens. Il justifie cette rivalité par la popularité des équipes et réfute de la limiter entre Pikine et le Jaraaf. Il soutient que cette rivalité existe entre toutes les équipes populaires du pays. «La rivalité n'est pas seulement entre Pikine et Jaraaf, elle se manifeste également contre tous les clubs populaires. Parce que la rivalité est nourrie par les supporters», détaille-t-il.
Fass et Pikine, le derby de l’arène
L'AS Pikine est née en 2006 certes, mais ce club a tout de sa devancière, Les Niayes. Et cette rivalité existait à l'époque. «Cette rivalité dote de longtemps, depuis Les Niayes. Les matchs Niayes-Jaraaf étaient très chauds, mais cela ne sortait jamais du cadre sportif. La violence dans ce choc n'est pas liée au derby, c'est plutôt un phénomène de société. La violence est présente dans la lutte, dans les Navétanes, pas seulement de le championnat de football», indique Famara Soly. Mais bien avant les Niayes, la rivalité entre la Médina et Pikine serait née dans... l'arène. En effet, vers les années 1960-1970, la lutte sénégalaise a connu deux grandes figures notamment Mbaye Gueye, le 1er Tigre de Fass et Pape Diop «Boston». L'un habitait la Médina et l'autre Pikine. Et leurs retrouvailles étaient électriques. «Bien sûr, la rivalité entre Mbaye Gueye et Pape Diop a influencé le choc entre Jaraaf et Pikine. A l'époque, le football était très lié avec la lutte. Car, les grands lutteurs avaient leurs clubs et ne rataient jamais les matchs de leur équipe. Mbaye Gueye, s'il n'avait pas de combat, il allait au stade suivre le Jaraaf avant de se rendre à l'arène. Pape Diop accompagnait l'équipe de Pikine. Il y avait une rivalité entre ces deux équipes, mais elle était saine», confie Babacar Noël Ndoye, ancien journaliste au quotidien national Le Soleil. Famara Soly n'écarte pas non plus cette influence de la lutte dans cette rivalité. «La lutte ne peut pas être étrangère à ce choc. Parce que les lutteurs de Pikine s'affichent pour soutenir leur équipe. Et ceux de la Médina font la même chose. Le derby entre Fass et Pikine a effectivement joué un rôle dans ce choc. Ce sont les supporters des lutteurs pikinois qui accompagnent également l'AS Pikine dans les stades. Ce sont les mêmes supporters. La rivalité ne peut pas manquer. L'essentiel est que le fair-play prévale, a-t-il précisé. Même son de cloche chez Khalifa Ababacar Ndiaye. Ce supporter du Jaraaf n'exclut pas également le rôle de la lutte dans cette rivalité. «Je ne sais pas exactement. Mais j'ai entendu dire que la rivalité entre l'écurie Fass et Pikine a occasionné celle qui est née entre Jaraaf et AS Pikine», soutient le jeune sup- porter des Verts et Blanc.
La LSFP au banc des accusés
La violence dans les stades est endémique. Mais la Ligue sénégalaise de football professionnel (LSFP) semble impuissante face à la situation. Au lieu de frapper fort, la Commission de discipline, en charge de sanctionner les fautifs, prend souvent des décisions qui différent le problème mais ne le résolvent pas. Souvent, ce sont la sanction pécuniaire, le huis-clos, le retrait de points qui sont pris pour réprimander les clubs fautifs. Des sanctions jugées légères. «J'ai toujours reproché à la Ligue d'être laxiste sur ces questions. Mais cela ne m'étonne pas. Elle a peur de sévir et de perdre les supporters. Mais ton fils, si tu ne le redresses pas, il ne servira pas à grand-chose. Le protéger quand il a tort, c'est lui rendre un mauvais service», regrette Demba Varore.
Daouda Gueye, lui, met la LSFP devant ses responsabilités. Il attend des sanctions lourdes. «La Ligue et la Fédération ont un rôle important à jouer pour résoudre ce problème de la violence dans les stades. Ils doivent appliquer des sanctions lourdes qui pousseront les clubs à faire attention. Si les sanctions sont légères, les équipes ne vont jamais prendre au sérieux cette question. La fédération, la Ligue et les présidents de clubs doivent trouver des sanctions à appliquer aux clubs fautifs pour éradiquer la violence. Le supporter ne vit que pour son club. S'il sait que son club encourt une suspension qui l'empêche- rait de jouer la saison prochaine le championnat, il changera de comportement. Tant que les sanctions se limiteront à l'aspect financier, le retrait de points, le huis-clos, les choses ne changeront pas. La sanction qui s'impose n'est pas toujours prise, c'est pourquoi on note toujours des cas de violence dans les stades», fulmine le supporter médinois. Sur cette question, Famara Soly est moins catégorique que le journaliste et le supporter. Le SG de l'AS Pikine salue plutôt le travail de la Ligue sur la question, mais réclame également plus de sécurité dans les stades. «La Ligue de football est en train de faire de la prévention. Elle organise des séminaires pour sensibiliser les supporters, des conférences de presse pour prévenir la violence et inviter au fair-play. Mais la Ligue peut aussi renforcer la sécurité. La violence tue le football local, elle fait fuir les partenaires. Lo Ligue peut accentuer le dialogue, la sensibilisation. Elle doit renforcer le dispositif sécuritaire, augmenter le nombre des stadiers; cela qui pourrait dissuader les fauteurs de troubles. Le ministère des Sports a des stadiers, ceux- là doivent être affectés aux grands clubs», estime le Pikinois.
Une belle publicité pour le foot local
C'est connu, tout championnat a besoin de grandes affiches pour sa promotion. Si le football espagnol a atteint un certain niveau. Le derby entre le Real Madrid et le FC Barcelone y est pour beaucoup. En Italie, le derby milanais est attendu partout à travers le monde. En Premier League, les derbys Manchester United-Manchester City, Liverpool-Everton, Arsenal Chelsea, en Afrique, Al Ahly- Zamalek en Egypte, Raja - WAC au Maroc, etc., les chocs et derbys font courir les foules. Le Sénégal a besoin de tels matchs pour attirer le public et les partenaires. Les moins jeunes de nos lecteurs vont se rappe- ler avec délectation et nostalgie le derby Jeanne d'Arc-Jaraaf que peinent à faire les choc Jaraaf-Pikine, Guédiawaye FC-Pikine, Casa Sports-Jaraaf, Teunguedj FC-Génération Foot... Le championnat doit avoir de grandes rivalités, bien sûr sans violence, pour progresser. La rivalité est essentielle pour stimuler une compétition. C'est ça qui attire le public. C'est ça qui fera que le foot local pourra vraiment occuper l'espace médiatique et les réseaux sociaux, affirme Varore. Cette idée est partagée par Soly, ale choc est très important pour le football local. Et nous, acteurs, devons jouer notre rôle pour préserver ces genres de matchs pour l'intérêt du football national. Le stade doit être un cadre familial de divertissement. Chaque week-end, les familles doivent avoir l'envie d'aller au stade suivre les matchs dans une bonne ambiance sans la violence. Le football local est en train de faire des résultats sur le plan officiel et nous devons préserver cela. Le chef de l'Etat a promis d'accompagner le football local et ne peut pas le faire avec la violence, soutient Famara.
Source : RECORD
C'est aujourd'hui un match estampillé «à risques». Lorsqu'on se rend au stade pour suivre le choc entre Jaraaf et Pikine, la tension est palpable dès l'entrée du stade. En effet, le dispositif impressionnant des forces de l'ordre renseigne sur le souci de juguler tout débordement. Et, depuis 2019, les matchs accueillis par Jaraaf sont rarement allés à leur terme. Souvent émaillées d'incidents, ils finissent en queue de poisson. Le 11 décembre dernier, le Jaraaf accueillait l'AS Pikine, au stade Iba Mar Diop, dans le cadre de la 9eme journée de Ligue 1. Ce match n'est pas allé jusqu'à la fin. Il a été interrompu à la 66ème minute par l'arbitre central, alors que le Jaraaf menait par 1-0. L'interruption est due à des échauffourées entre les supporters de Pikine et les forces de l'ordre. Quelques semaines après ces incidents, la Ligue sénégalaise de football professionnel (LSFP) donnera les 3 points au Jaraaf et infligera une amende de 150.000 FCFA au club de la banlieue. Un an avant, lors de la 4ème journée de la Ligue 1 de la saison précédente, les mêmes scènes de violence s'étaient produites dans le même stade, entre les deux équipes. Suite à un penalty accordé à PAS Pikine, les supporters du Jaraaf avaient envahi le stade. Pikine a été, par la suite, déclaré vainqueur, et une amende de 1.00.000 FCFA infligée au Jaraaf.
L'histoire des deux clubs
L'ASC les Jaraaf a été fondée le 20 septembre 1969 d'une fusion entre le Foyer France Sénégal et Espoirs de Dakar. Et il va décrocher son premier titre dès l'année suivante, en 1970, face aux Almadies. Dans son histoire, le Jaraaf a remporté 27 titres : 12 en championnat, 15 Coupes du Sénégal. Depuis sa création, le club présidé par Cheikh Seck n'a jamais gagné la Coupe de la Ligue, le seul titre qui manque à son palmarès, le plus riche du football national, Club le plus prestigieux du Sénégal, le Jaraaf a de qui tenir. En effet, ses ancêtres, singulièrement le Foyer France Sénégal, ont également écrit les belles pages du football national. En effet, FFS a remporté son premier trophée, la Coupe du Sénégal en 1967 devant l'US Gorée. En 1968, il va remporter-encore ce trophée, toujours devant le même adversaire. Pour l'AS Pikine, cette appellation ne date pas de bien longtemps. En effet, le club de la banlieue s'appelait Les Niayes, un club fondé en 1969 par la Réforme Lamine Diack avec la fusion de plusieurs clubs de la zone. Évoluant en Division régionale, Niayes peinait à sortir de l'ornière et devenait de moins en moins populaire au fil des saisons. C'est ainsi que l'idée de créer l'AS Pikine a été émise. Cela pour avoir un club qui va rassembler tous les Pikinois autour d'un nom auquel ils pourront s'identifier. Ainsi, en 2006, Niayes devient officiellement AS Pikine. Le club, qui évoluait à cette période en Ligue 2, ne fera que trois ans à ce niveau pour accéder en Ligue 1 en 2009, première année du championnat professionnel au Sénégal. Dans sa vitrine, Pikine n'expose que deux trophées majeurs : une Coupe du Sénégal remportée en 2014 et une Coupe de la Ligue décrochée en 2011. Pikine court toujours après sa première Coupe du Sénégal.
Une affaire entre citadins et banlieusards
Comme indiqué plus haut, la rivalité entre le Jaraaf et l'AS Pikine n'est ni historique ni géographique. Pour Demba Varore, journaliste à Sport News Africa, il sera très difficile de donner l'origine exacte de cette rivalité. Mais notre confrère estime que certaines circonstances ne sont pas étrangères à ce différend entre les deux clubs. Et il relève deux facteurs : la notoriété de Jaraaf et la jeunesse des supporters du club. «Je ne saurais dire exactement l'origine de la rivalité entre les deux équipes. Tout toutefois noter que le Jaraaf a un statut particulier dans le football sénégalais. C'est un peu l'équipe à abattre. Tout simplement parce que c'est le club le plus titré du Sénégal. Tous les clubs qui ont eu à jouer les grands rôles dons ce championnat ont vécu une course au titre contre le jaraaf. C'est le cas de l'AS Pikine qui, lorsqu'il a été champion du Sénégal (en 2014 ndr) a ravi la vedette au Jaraaf, sur le fil. Pikine avec feu Alassane Dia, qui s'était fait virer par le Jaraaf, a dû faire une série de cinq succès de suite sur les cinq derniers matchs du championnat pour devancer le Jaraaf qui avait enchaîné deux nuls. Mais à l'époque, c'était juste une rivalité de circonstances, sans violence. La violence, il me semble, remonte à un match au stade Léopold Sédor Senghor en 2019 ou 2020 (en 2019 précisément, ndir). Le fait que le Jaraaf ait retrouvé une base affective jeune, en recevant ses matchs dans son fief, à la Médina, a certainement exacerbé les invectives dans les réseaux sociaux et sur les gradins lors des matchs», a soutenu Varore.
La popularité des deux clubs
Si Demba Varore estime que cette rivalité est due à la notoriété de Jaraaf et sa nouvelle vague de jeunes supporters, Famara Soly, le secrétaire de l'AS Pikine, lui, soutient que cette rivalité est purement sportive. «Le Jaraaf et Pikine sont deux clubs populaires qui veulent dominer le championnat. La rivalité se justifie simplement parce que les deux équipes sont de grands clubs. Le Jaraaf est un club de la Médina, le centre-ville, Pikine représente la banlieue. La rivalité est purement sportive et non autre chose», dit-il. Daouda Gueye, président du comité des supporters du Jaraaf, abonde pratiquement dans le même sens. Il justifie cette rivalité par la popularité des équipes et réfute de la limiter entre Pikine et le Jaraaf. Il soutient que cette rivalité existe entre toutes les équipes populaires du pays. «La rivalité n'est pas seulement entre Pikine et Jaraaf, elle se manifeste également contre tous les clubs populaires. Parce que la rivalité est nourrie par les supporters», détaille-t-il.
Fass et Pikine, le derby de l’arène
L'AS Pikine est née en 2006 certes, mais ce club a tout de sa devancière, Les Niayes. Et cette rivalité existait à l'époque. «Cette rivalité dote de longtemps, depuis Les Niayes. Les matchs Niayes-Jaraaf étaient très chauds, mais cela ne sortait jamais du cadre sportif. La violence dans ce choc n'est pas liée au derby, c'est plutôt un phénomène de société. La violence est présente dans la lutte, dans les Navétanes, pas seulement de le championnat de football», indique Famara Soly. Mais bien avant les Niayes, la rivalité entre la Médina et Pikine serait née dans... l'arène. En effet, vers les années 1960-1970, la lutte sénégalaise a connu deux grandes figures notamment Mbaye Gueye, le 1er Tigre de Fass et Pape Diop «Boston». L'un habitait la Médina et l'autre Pikine. Et leurs retrouvailles étaient électriques. «Bien sûr, la rivalité entre Mbaye Gueye et Pape Diop a influencé le choc entre Jaraaf et Pikine. A l'époque, le football était très lié avec la lutte. Car, les grands lutteurs avaient leurs clubs et ne rataient jamais les matchs de leur équipe. Mbaye Gueye, s'il n'avait pas de combat, il allait au stade suivre le Jaraaf avant de se rendre à l'arène. Pape Diop accompagnait l'équipe de Pikine. Il y avait une rivalité entre ces deux équipes, mais elle était saine», confie Babacar Noël Ndoye, ancien journaliste au quotidien national Le Soleil. Famara Soly n'écarte pas non plus cette influence de la lutte dans cette rivalité. «La lutte ne peut pas être étrangère à ce choc. Parce que les lutteurs de Pikine s'affichent pour soutenir leur équipe. Et ceux de la Médina font la même chose. Le derby entre Fass et Pikine a effectivement joué un rôle dans ce choc. Ce sont les supporters des lutteurs pikinois qui accompagnent également l'AS Pikine dans les stades. Ce sont les mêmes supporters. La rivalité ne peut pas manquer. L'essentiel est que le fair-play prévale, a-t-il précisé. Même son de cloche chez Khalifa Ababacar Ndiaye. Ce supporter du Jaraaf n'exclut pas également le rôle de la lutte dans cette rivalité. «Je ne sais pas exactement. Mais j'ai entendu dire que la rivalité entre l'écurie Fass et Pikine a occasionné celle qui est née entre Jaraaf et AS Pikine», soutient le jeune sup- porter des Verts et Blanc.
La LSFP au banc des accusés
La violence dans les stades est endémique. Mais la Ligue sénégalaise de football professionnel (LSFP) semble impuissante face à la situation. Au lieu de frapper fort, la Commission de discipline, en charge de sanctionner les fautifs, prend souvent des décisions qui différent le problème mais ne le résolvent pas. Souvent, ce sont la sanction pécuniaire, le huis-clos, le retrait de points qui sont pris pour réprimander les clubs fautifs. Des sanctions jugées légères. «J'ai toujours reproché à la Ligue d'être laxiste sur ces questions. Mais cela ne m'étonne pas. Elle a peur de sévir et de perdre les supporters. Mais ton fils, si tu ne le redresses pas, il ne servira pas à grand-chose. Le protéger quand il a tort, c'est lui rendre un mauvais service», regrette Demba Varore.
Daouda Gueye, lui, met la LSFP devant ses responsabilités. Il attend des sanctions lourdes. «La Ligue et la Fédération ont un rôle important à jouer pour résoudre ce problème de la violence dans les stades. Ils doivent appliquer des sanctions lourdes qui pousseront les clubs à faire attention. Si les sanctions sont légères, les équipes ne vont jamais prendre au sérieux cette question. La fédération, la Ligue et les présidents de clubs doivent trouver des sanctions à appliquer aux clubs fautifs pour éradiquer la violence. Le supporter ne vit que pour son club. S'il sait que son club encourt une suspension qui l'empêche- rait de jouer la saison prochaine le championnat, il changera de comportement. Tant que les sanctions se limiteront à l'aspect financier, le retrait de points, le huis-clos, les choses ne changeront pas. La sanction qui s'impose n'est pas toujours prise, c'est pourquoi on note toujours des cas de violence dans les stades», fulmine le supporter médinois. Sur cette question, Famara Soly est moins catégorique que le journaliste et le supporter. Le SG de l'AS Pikine salue plutôt le travail de la Ligue sur la question, mais réclame également plus de sécurité dans les stades. «La Ligue de football est en train de faire de la prévention. Elle organise des séminaires pour sensibiliser les supporters, des conférences de presse pour prévenir la violence et inviter au fair-play. Mais la Ligue peut aussi renforcer la sécurité. La violence tue le football local, elle fait fuir les partenaires. Lo Ligue peut accentuer le dialogue, la sensibilisation. Elle doit renforcer le dispositif sécuritaire, augmenter le nombre des stadiers; cela qui pourrait dissuader les fauteurs de troubles. Le ministère des Sports a des stadiers, ceux- là doivent être affectés aux grands clubs», estime le Pikinois.
Une belle publicité pour le foot local
C'est connu, tout championnat a besoin de grandes affiches pour sa promotion. Si le football espagnol a atteint un certain niveau. Le derby entre le Real Madrid et le FC Barcelone y est pour beaucoup. En Italie, le derby milanais est attendu partout à travers le monde. En Premier League, les derbys Manchester United-Manchester City, Liverpool-Everton, Arsenal Chelsea, en Afrique, Al Ahly- Zamalek en Egypte, Raja - WAC au Maroc, etc., les chocs et derbys font courir les foules. Le Sénégal a besoin de tels matchs pour attirer le public et les partenaires. Les moins jeunes de nos lecteurs vont se rappe- ler avec délectation et nostalgie le derby Jeanne d'Arc-Jaraaf que peinent à faire les choc Jaraaf-Pikine, Guédiawaye FC-Pikine, Casa Sports-Jaraaf, Teunguedj FC-Génération Foot... Le championnat doit avoir de grandes rivalités, bien sûr sans violence, pour progresser. La rivalité est essentielle pour stimuler une compétition. C'est ça qui attire le public. C'est ça qui fera que le foot local pourra vraiment occuper l'espace médiatique et les réseaux sociaux, affirme Varore. Cette idée est partagée par Soly, ale choc est très important pour le football local. Et nous, acteurs, devons jouer notre rôle pour préserver ces genres de matchs pour l'intérêt du football national. Le stade doit être un cadre familial de divertissement. Chaque week-end, les familles doivent avoir l'envie d'aller au stade suivre les matchs dans une bonne ambiance sans la violence. Le football local est en train de faire des résultats sur le plan officiel et nous devons préserver cela. Le chef de l'Etat a promis d'accompagner le football local et ne peut pas le faire avec la violence, soutient Famara.
Source : RECORD